À l’automne 1992, Marylen Kappes arrive au CREAM. Pour un contrat temporaire suppose-t-elle alors. Elle y passera toute la suite de sa vie professionnelle. Originaire de la région de Trèves en Allemagne, elle s’est formée dans les laboratoires du musée archéologique de Mayence (Römisch Germanisches Zentralmuseum). C‘est là qu’elle découvre le matériau exigeant auquel elle consacrera l’essentiel de sa carrière : le verre.

Marylen exerce son métier avec une rigueur, une délicatesse, une ténacité sans pareilles. Elle n’a de cesse de parfaire ses connaissances historiques et techniques, et participe activement aux activités d’associations spécialisées (1). La validation de ses acquis professionnels lui permet d’obtenir le Master de conservation-restauration de l’Université Paris1-Sorbonne, dans la spécialité verre et céramique.

Parmi toutes les œuvres de sable et de feu – comme elle aimait définir le matériau verre –  qui sont passées entre ses mains, parmi les dizaines d’urnes, de flacons, d’ampoules, de gobelets, d’œnochoés ou de balsamaires, lesquels citer ? Les remontages arachnéens de fragments de vases fins comme des bulles de savon ? La délicate irisation antique qu’elle préservait religieusement, les verres médiévaux cristallisés patiemment consolidés, les formes lacunaires les plus acrobatiques remises en connexion ?

S’il fallait n’en retenir qu’une, ce serait l’étude qu’elle a consacrée à la technique de fabrication des verres diatrète, à partir des précieux fragments issus des fouilles de Saint-Laurent de Grenoble. Le verre diatrète (2), stupéfiante dentelle de verre taillé, résume mieux que tous les mots la quête de perfection qui animait Marylen.

Pendant toutes ses années viennoises, elle est restée la même excellente collègue. Avant de partir pour son dernier congé-maladie, elle a tenu à mener à bien, malgré sa fatigue, la restauration d’une céramique gargantuesque attendue pour une exposition à Fréjus. Ce n’est qu’une fois ce dernier tour de force achevé et son établi rangé qu’elle a refermé la porte de l’atelier verre au CREAM. 

Engagée dans une lutte qu’elle savait devoir perdre, soucieuse de ne peser en rien sur la vie de ses proches, c’est en ces temps difficiles de confinement que Marylen est partie : seule, avec la dignité, la discrétion, la force morale qui ont toujours été siennes.

Souvenons-nous de son sourire, de ses rires et des musiques qu’elle aimait. Pensons à elle en écoutant Amy Winehouse, Herbie Hancock, Bach, Sting ou Schubert.

(1) AFAV : Association Française pour l’Archéologie du Verre

(2) Les verres diatrètes sont des verres épais à double paroi, où une résille est « sculptée » par évidement de la paroi extérieure.

Marylen KAPPES, Les Fragments d’un verre diatrète de Grenoble : Eléments technologiques – Journal of Glass Studies, Vol. 53 (2011), pp. 93-101 ( Corning Museum of Glass)

 

 

Marylen KAPPES, Conservatrice-restauratrice de verre et céramique au CREAM, dont le professionnalisme et le sourire resteront à jamais gravés gravés dans nos mémoires.